Un audiophile est une personne qui s’intéresse à la reproduction sonore. Terme schizophrène parfait attirant les uns et repoussant les autres, l’audiophile réunit la passion et la perversion.
La passion et ses excès trouvent une bonne illustration dans le mot audiophile. Il en est de même avec l’amour qui peut être parfait, tendre, fou, dévorant. Chacun est libre de sa Passion mais le regard des autres est parfois cruel.
Qui peut d’ailleurs comprendre l’audiophile ? Son intérêt dans la reproduction sonore n’est pas absolu, au contraire il est l’assouvissement d’un besoin de reproduire de la musique selon ses goûts et selon ses préférences sensitives. La tolérance progressive à subvenir à son propre plaisir l’oblige à aller toujours plus loin dans les moyens qu’il met à sa disposition. Spirale destructrice de la drogue au son.
La perversion c’est son intolérance envers les néophytes et les autres audiophiles dont les systèmes ne s’accordent pas à ses valeurs et ne procurent pas l’émotion tant recherchée. L’audiophilie est un loisir exclusif et solitaire, le frisson est un luxe, l’émotion un orgasme. (1)
De fait rien n’est trop beau et le fantasme toujours à portée d’oreille. La finition ultra luxueuse de certains maillons, l’usage de matériaux rares et précieux sont un pré requis à l’extase, le préliminaire visuel améliorant la performance auditive.
Chacun cherchant ici ce qui lui paraît important, il faut trouver son semblable pour pouvoir se comprendre. Au travers des forums ou des rencontres il en est des audiophiles comme des gens. Certains pourraient devenir des amis, d’autres vous seront toujours étranger.
La question à se poser est celle là: ai-je plus d’amis audiophiles aujourd’hui qu’hier, ou suis-je en train de sombrer dans la paranoïa; ma façon d’aimer le son contre toutes les autres.
Je regrette personnellement de lire ça et là des commentaires désabusés sur les présentations dans les salons hi-fi ou chez les revendeurs. Oui, parfois, le résultat n’est pas à la hauteur de la prétention du matériel. Il convient quand même de savoir rechercher ce qui sonne bien, ce qui est plaisant au milieu de l’imperfection. Je plains les plus déçus d’entre eux. A vouloir revendiquer son exclusivité on se retrouve seul.
Les audiophiles ne recherchent donc pas tous la même chose. C’est bien le drame de la haute fidélité actuellement. Les rares amateurs en quête de vérité sonore associent passion et permanente insatisfaction. Je leur pardonne les coups de gueule et les avis à l’emporte pièce. Dans leurs recherches les seuls à être insatisfaits ce sont bien eux.
Les autres qui acceptent les imperfections de leurs systèmes et les hissent aux rang de préférences personnelles ont leurs raisons. Peut être refusent ils d’être prisonniers de leur passion, est-ce une preuve de maturité ? ou au contraire n’ont-ils pas la passion nécessaire à cet engagement ?
Leurs positions sont défendables mais ils ont malgré eux contribué à un certain déclin de la haute fidélité vers des produits plus faciles à écouter et à mettre en œuvre.
Il devrait y avoir, à mon avis, une recherche permanente et une tension vers le progrès dans le mot audiophile qui le différencierait du simple usage d’un système, fut-il composé de maillons haut de gamme.
C’est dans l’art subtil de questionner l’efficacité des moyens mis en œuvre dans la reproduction musicale que devrait se reconnaître l’audiophile. La perfection n’est pas de ce monde, il le sait, mais sa recherche est un but en soi, penserait-il.
(1) Michael Fremer de la revue Stereophile n’avait pas hésité à décrire les émotions ressenties à l’écoute du système de lecture analogique de Continuum Audio Labs de "better than sex". Cette impression avait été confirmée par sa femme...